MEDIAPART. Poussés à la sédentarisation par Israël, certains Bédouins du Néguev adoptent petit à petit de nouveaux modes de vie. Mais nombre d’entre eux vivent encore dans des villages que le gouvernement refuse de reconnaître et où les infrastructures les plus élémentaires sont inexistantes. Une situation qui nourrit les frustrations et fait craindre une explosion sociale à venir.
Inutile de chercher Al-Araqib sur Google Maps ou sur une carte routière. Seuls les habitués savent comment s’y rendre en tournant sur la route 40, au nord de Beer-Sheva, la plus grande ville du désert du Néguev. Au bout d’un chemin de terre poussiéreux, quatre ou cinq tentes faites de tissus et de tôles ondulées. Mais aussi un cimetière, seul édifice à ne pas avoir été rasé par les bulldozers. Al-Araqib est l’une des trente communautés bédouines que le gouvernement israélien refuse de reconnaître. Jugé illégal, le village a été détruit plus de 90 fois depuis 2013. « Village non reconnu, ça veut dire pas d’électricité, pas d’eau, pas d’écoles, pas d’hôpitaux, pas de routes, déplore Aziz Abou Madigan, un des fils du chef du village. Nous sommes des citoyens israéliens, mais le gouvernement nous traite comme des ennemis. » Il vit toujours ici avec sa femme, ses six enfants, son père, le cheikh Saya al-Touri, et deux autres familles. Au total, une vingtaine de personnes.
Aziz Abou Madigan ne quitterait pour rien au monde la « terre de [ses] ancêtres ». Il nous entraîne sous une tente où sont exposées des copies de documents officiels : un titre de propriété datant de l’époque ottomane, une lettre émanant des autorités de la Palestine sous mandat britannique, mais aussi un avis d’imposition provenant de l’État d’Israël. Puis il nous emmène dans le cimetière qui borde le campement. « Si mon fils veut aller à l’université et partir, il est libre. Mais je veux vivre sur ma terre. C’est ma terre. On a une histoire ici », martèle-t-il au-dessus de la tombe de son grand-père, mort en 1979…
Be First to Comment