MEDIAPART. Plongés une énième fois dans l’incertitude après l’annulation d’un plan d’accueil négocié avec l’ONU, les migrants africains d’Israël naviguent entre colère et désespoir. Dans le sud de Tel-Aviv, des militants anti-migrants entendent faire pression sur le gouvernement Netanyahou pour les pousser au départ.
Bnei Brak, Tel-Aviv, envoyée spéciale.- Inutile de tenter sa chance dans les bureaux officiels de l’intégration et de l’immigration de Bnei Brak, une banlieue du nord-est de Tel-Aviv. C’est à vingt minutes à pied de là, au fin fond d’une zone commerciale, que des dizaines de migrants africains viennent chaque jour dans l’espoir de renouveler leur visa ou de déposer une demande d’asile. Pour se rendre sur place, il leur faut passer par une station-service et marcher plusieurs mètres sur une route sans trottoir, en tâchant d’éviter les voitures des clients qui sortent du supermarché voisin.
C’est là, loin des regards, dans un entrepôt sans adresse, que les autorités israéliennes ont ouvert une antenne dédiée aux quelque 35 000 migrants africains entrés illégalement sur son territoire. Ce 24 avril, devant le bâtiment, des barrières, des gardes en uniformes qui contrôlent les entrées au compte-gouttes, et deux files d’attente. Une à gauche, pour les Érythréens, une autre à droite, pour les Soudanais. Des tentes blanches offertes par une association protègent du soleil les plus avancés dans la queue. Sur le côté, deux toilettes de chantier, également installées par des bénévoles, dégagent une odeur désagréable.
« Il y a quelques semaines, il y avait encore un dépotoir ici », commente Anwar Suliman en désignant un terrain vague adjacent dont la terre a été fraîchement remuée par des bulldozers. Originaire du Darfour, ce Soudanais de 38 ans est arrivé en Israël en 2009, par le désert du Sinaï, pour fuir la répression de son gouvernement. Mediapart l’avait déjà croisé en mai 2015 lorsqu’il était assigné à résidence à Holot, un centre de rétention situé dans le désert du Néguev et depuis fermé sur ordre de la Cour suprême israélienne. Aujourd’hui installé à Herzliya, une autre banlieue de Tel-Aviv, où il a trouvé un emploi dans un « petit restaurant », Anwar Suliman ne peut toutefois pas échapper au rituel.
« Tous les deux mois, je suis obligé de renouveler mon visa. Quand je dois venir ici, je sais que cela va être un jour triste, je ne prévois rien d’autre. Nous faisons la queue comme ça pendant des heures. Nous ne savons jamais combien de temps cela va prendre. Parfois nous attendons toute la journée », se lamente le Soudanais…
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